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Solitude - Angélique CORMAN

Je ne dis pas, je ne dis pas des paroles honnêtes, parce que je m’allonge parfois dans l’obscénité, et j’attends, sans rien vouloir, que tout reflux dans la pureté, brûlé par des dénis et des résolutions branlantes.

Tu m’écoutes ? Je te parle, je te dis je regarde les hommes marcher en silence, en bas, on n’entend rien parce que l’espace est sous cloche. Je voudrais, parfois, je veux m’enfoncer à l’intérieur du matelas, jambes écartées, sentir quelque chose sous moi, comme si c’était moi sur une fille, ou un homme sur moi, bourrer le matelas qui couine, sans penser regarde comme je respire, c’est de la bête qui sort ou du vulgaire, dis moi, si ça excite les choses comme ça. Je pense que je veux être dans une voiture à côté de toi, à côté d’un homme, je pense aussi à l’extérieur de la voiture, couper le moteur de la monotonie, je veux voir des yeux en fente carnivore me regarder et me frapper avec la couleur de leur iris, me mettre à genoux dans la déchirure du désir qui fait tout se taire une bonne fois pour toute. Tu sais, les hommes, quand il te regarde, t’es dégoûté et tu voudrais leur arracher quelque chose, cette forme qui tient de la pièce rapportée, d’un morceau de caoutchouc qu’on aurait greffé, cousu-main entre deux cuisses. Mais tu sais parfois, on attend ça, j’attends et j’imagine le renflement, qui est tout dans le concret, le renflement du bas qui vient avant l’origine du monde, la beauté du sang dans ton morceau de caoutchouc qui pendait inutile. Je vais y laisser le bout de ma langue. On prend tout ce qui se tend, on prend tout ce qui se peut. Tu vois, je vais le faire, je vais envelopper, lécher ta fierté, sans érotisme, sans sourire, sans que tu penses que c’est par coquetterie à ton endroit. Je vais le faire pour moi.

Je suis là, dans le vice. Je pense, je rêve, à la prise en main. Si j’osais te le dire, je voudrais que tu sois sur moi et que je ne puisse pas faire autrement. C’est la laideur du désir des femmes. Je rêve de la beauté du tissu qui se tend, à la rondeur dure. Cette chose concrète qui se tend. Je glisse, tu sais, autour de toi, je me fais glisser. Même sans rien ni personne, je m’abats dans le fantasme d’un corps, tu entends, dans le désir de l’homme qui jouit, je veux rester, je sais que ça irise et que ça poisse, l’imagination au pouvoir. Et c’est comme du blanc d’œuf sur des doigts chauds tachés d’hématomes.

Prise par toi, prise par des démultiplications de toi, interpellée dans la honte, mais consentante à la force horrible et douloureuse des incendies du bas ventre. J’appelle ça, retiens moi, dis moi ou pas, c’est ça, ne parle pas, tient mes bras et plaque tes yeux sur mes yeux, je les fermerai peut-être, pendant, avant, après, que tu me tournes, que je sois de dos, les hommes baisent comme des chiens, à la mode cynique, d’accord, avec la main dans les cheveux et les doigts accrochés, je dirai oui, j’ai attendu ça, je t’ai attendu, avec patience et peur, et angoisse et trouble, et envie dans le doute, et culpabilité. Maintenant bon, tu comprends ça, tu comprends la chaleur et la mise à mort après la tension, après la pulsation effrénée du cœur et la fin de l’impérieuse nécessité d’être enserrée dans tes bras. Tu comprends la froideur de la crème sur mes cuisses, les jus qui collent et qui font comme les restes d’une marée polluée.

Tu te demande de quoi je parle. De draps qui me servent de peau. D’appels pornographiques, de conditionnements érotiques. Tu te demandes si je suis sérieuse. Je te dis oui, je suis sérieuse, j’ai le dos sur le capot brûlant de cette putain de voiture, alors vas-y, je veux voir ça, je veux vivre ça, je veux ta lourdeur et ton appétit insatiable, ou mon appétit impossible à rassasier, les mouvements lents et rapides, l’immensité de ton corps parce que je ne vois plus rien, et je sens dans le fond, et le rythme et ce soupir roque et ridicule du fond de la gorge, tout est moche, tout est dégueulasse, tout est pourri, et ça me donne encore envie.

Je te dis de venir. A chaque fois que je me mets sur le ventre, sur le lit, je te dis de venir. Tu n’entends pas les appels muets d’une fille qui a sa main entre ses jambes ? Tu ne vois pas ses paupières animées par les ressacs de l’éjaculation. Non, tu ne vois pas, tu ne sais pas, tu ne comprends pas. Tu es surpris. Approche.

La solitude me bat et ça ne se voit pas.

La solitude me bat et ça ne se voit pas.

La solitude me bat et ça ne se voit pas.

Tag(s) : #Nouvelles
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